Les planches de Nicolas Aufrère

Cette plante produit des fleurs et des baies, tout comme la belladone. En automne, ses fleurs blanches ou mauves s’épanouissent; elles donneront plus tard naissance à de jolies baies jaunes ou rouges qui ont l’étrange propriété de réémettre la lumière blanche.

La racine, une rave, est d’une taille importante. Brune à l'extérieur, blanche à l'intérieur, elle peut peser jusqu’à plusieurs kilos et sa forme est humanoïde; on y reconnaît un tronc, des jambes voire même une tête et un sexe, pour les dits « mâles » (les « femelles » sont de couleur plus sombres et la racine est bifide).

En ce qui concerne ses propriétés pharmacologiques, la mandragore est riche en alcaloïdes délirogènes; ce qui explique pourquoi elle entre dans la composition traditionnelle d’un onguent qui permettrait de voler. Ces substances peuvent occasionner, notamment, une intoxication mortelle.

On a prêté à la mandragore de nombreuses vertus thérapeutiques.

Cette plante est en effet sédative, antispasmodique, et anti-inflammatoire (en cataplasme). La mandragore est également dite aphrodisiaque et fertilisante, certainement à cause de la forme de sa racine évoquant explicitement la sexualité humaine ; la « femelle » ressemble à une statuette traditionnelle de déesse de la fertilité, et le « mâle » a entre ses « jambes » l’équivalent d’un énorme sexe.

Voici une illustration biblique de sa réputation fertilisante :

dans la Genèse, Rachel et Jacob ont de nombreux enfants, puisqu’à eux seuls, ils donnent naissance à ceux qui constitueront les douze tribus d'Israël. Cette incroyable fertilité est mise au crédit de la mandragore (qu’on a également appelé "pomme d'amour" ou "devil's testicles", chez les anglo-saxons).

Selon une légende très répandue au moyen âge, la mandragore pousserait sous les gibets, juste en dessous des pendus, et naîtrait de leur sperme; c’est de ce dernier qu’elle tirerait ses propriétés aphrodisiaques et fertilisantes.

On dit également de cette plante qu’elle pousserait un hurlement lorsqu’on l’arrache du sol; un hurlement si terrible qu’il pourrait rendre fou un homme parfaitement sain d’esprit, voire qu’il pourrait le tuer.

Pour limiter ce risque, celui qui voulait arracher un plant de mandragore devait le lier à l’aide d’une corde et attacher l’autre extrémité à un grand chien ensuite attiré au loin avec de la viande fraîche.

Aux pieds du Château de mon Maître,

Amie Sorcière,

Pousse une fleur éclatante aux pouvoirs délicats :

l’Aconit.

Pour l’esthète, quel ravissement !

Tantôt bleutée, s’il s’agit d’une Nappel,

Tantôt d’un or brillant, pour la Tue-loup,

Elle fut Muse de moult poètes !

Sorcière, l’ignores-tu ?

Grâce à ses précieuses composantes,

Tu produiras filtres et remèdes,

Peut-être même empoisonneras-tu

Comme avec la facétieuse Mandragore,

Ou la ténébreuse Belladone.

Poison pour les tiens,

enchantement aux yeux de tous,

Sur cette plante assassine,

Sertie d’une coupe,

inspirée dit-on, du casque de Jupiter,

Circulent au sein des gens de l’Art des rumeurs étonnantes.

En tant qu’Apprentie, tu ne dois les ignorer plus longtemps.

Hercule, accomplissant ses travaux,

Dut traîner Cerbère, le chien tricéphale, hors des enfers

Pour en sortir Thésée.

De la bave du molosse, chuchote-t-on,

De sa bave acide,

De sa bave putride,

Serait alors jaillie notre belle Aconit.

Sitôt, dit-on, de ses charmes,

De ses dangers parée…

J’ai surpris, également, des vieilles, en secret réunies,

Loin de tout âme impie,

Autour d’un feu, la nuit,

J’ai surpris quelques mots, puis j’ai fui !

Elle disaient d’un ton fluet,

Que l’Aconit ferait voler…

Tantôt bleutée s’il s’agit d’une « nappel », tantôt d’un or brillant s’il s’agit de la « lycoctonum », l’aconit est une fleur éclatante ; un véritable ravissement pour les yeux... mais également l’une des plantes les plus toxiques d’Europe.

Le nom du genre, « aconitum », est probablement une référence au port d'Acone, en Asie Mineure. On raconte que l’aconit aurait poussé « spontanément et abondamment » près de ce port. Son nom lui vient peut-être également du substantif grec « akonaios » qui signifie « pierreux » (cette plante pousse en effet principalement dans des sols caillouteux) ou d’« akonias », « sorte de poison ».

En ce qui concerne ses propriétés pharmacologiques, dosée précautionneusement, elle peut constituer un bon sédatif. L'aconit servit à calmeR des névralgies et des douleurs dues aux sciatiques, à « la goutte » ou encore aux rhumatismes. Elle fut, en outre, employée contre les toux quinteuses et les crises d'asthme.

L’aconit fut dédiée par les grecs et les romains à la reine de l'Ade dont les jardins foisonnaient de cette belle plante, racontait-on.

« Aconitum napellus » sous son nom latin, elle est appelée « herbe de Saint Jean », « casque de Jupiter », ou encore « capuchon des moines ». Ses surnoms de « casque de Jupiter » ou de « capuchon des moines » sont dus à la forme de ses fleurs, mais le premier nous indique que cette plante était connue depuis l’antiquité.

C’est durant cette période de notre histoire que l’on en fit le plus usage pour empoisonner. On l’employait pour enduire les flèches des chasseurs mais elle servait également à exécuter les pires criminels car si la cigüe a un effet relativement rapide, celui de l'aconit est lent, et la mort qu’il engendre, douloureuse.

Un mythe grec antique, toujours, raconte la naissance de l'aconit : Héraclès partit délivrer Thésée des Enfers. Pour ce faire, il dû trainer Cerbère, le chien tricéphale, dans les Enfers, et c’est de la bave du molosse que serait apparue la première aconit.

Il existe une variété d’aconit appelée « tue loup » ; « Aconitum lycoctonum » en latin. Ce nom lui vient de sa réputation, bien évidemment, de tueuse de loups. En effet, au Moyen Age, certains croyaient qu’accrocher aux portes des pieds de cette aconit repoussait les loups. Les plus superstitieux pensaient même qu’elle « empêchait la lycanthropie ».

« Belladona » signifie bien évidemment "belle dame". Son nom évoque entre autre cette « Grande Dame » qu'est la Mort, et pour cause... Son nom scientifique est « Atropa Belladona », or Atropa, ou plutôt la grecque Atropos, est l'une des trois Parques : celle qui coupe le fil de vie !

Cependant, "belle dame" fait également référence aux sorcières florentines et vénitiennes. Ces dernières employaient le jus noir de ses fruits à des fins esthétiques et cosmétiques. A l’aide de ce jus, elles confectionnaient un fard à paupière aux vertus insolites. En effet, parmi les propriétés chimiques de la belle dame, il en existe une qui permit aux sorcières d’accentuer l’intensité de leur regard : la belladone dilate les pupilles.

Hormis son utilisation esthétique, la belladone était employée à des fins hallucinatoires par ces « tisseuses de destin ».

Mais son principal usage était plus macabre et plus ésotérique : la belladone constituait une composante essentielle des poisons mortels de ces sorcières.

Les Médicis usèrent et abusèrent des services de ces dernières; la belladone fit une grande carrière d’empoisonneuse. On attendit d’ailleurs pas les Médicis pour l’employer puisqu’elle servit à assassiner autant d'empereurs romains et de notables grecs (ainsi que de nombreux autres personnages historiques) que la célèbre cigüe.

En outre, des prêtres cappadociens, surnommés "Belladonnaires", tentèrent de s'immuniser contre les pouvoirs de la puissante belladone. Pour ce faire, ils organisèrent de sanglantes processions. Durant ces dernières, ils se lacéraient le corps à l’aide de couteaux et ingurgitaient un nombre important de "cerises enragées", c’est-à-dire de baies de belladone.

De plus, on pensait que pour éviter aux corps des futurs défunts de devenir « des relevés », ces derniers devaient manger de la belladone.

Dans tout l’Occident, et tout particulièrement en France, la belladone fut systématiquement associée à la mort et l'abandon; appréciant les sols caillouteux, elle pousse, en effet, fréquemment dans les ruines et dans les décombres. On l’évoque « poussant dans l'ombre des recoins et hantant les masures » ou « s'insinuant, telle la faucheuse... ».

Ses florescences d’un pourpre foncé et ses fruits noirs sont, certes, inquiétants, mais c’est principalement la ressemblance de ses fruits avec les tomates (de la même famille : les solanacées) ou le cassis qui justifie sa réputation de perfide. La confusion fit périr de nombreux adultes, mais surtout, des enfant.

La digitale (« digitalis purpurea » en latin, de la famille des scrophulariaceae) est une plante herbacée bisannuelle dont la haute tige se termine une grappe de fleurs campanulées, blanches maculées de violet ou violettes, très décoratives. On trouve la digitale dans les prairies forestières européennes, les clairières aussi. Elle est surtout présente en région montagneuse.

La digitale est une plante d’autant plus dangereuse qu’elle est très appréciée en tant qu’ornement et donc, qu’on la cultive souvent dans les jardins. C’est pourquoi, dans « le langage des fleurs », elle signifie : hypocrisie.

De plus, elle constitue un puissant diurétique. En revanche, l’organisme humain ne parvient pas à l’éliminer, c’est pourquoi, hélas, elle s’y accumule.

Venons-en aux légendes la concernant. Le poète anglais du XVIIe siècle Abraham Cowley en fit l'attribut de la déesse Flora. Ses fleurs seraient fabriquées par les fées. On a cru, en Irlande, que le jus de dix feuilles de digitales guérissait un enfant frappé par les mauvais esprits.

Utilisée fréquemment par les « sorcières » pour ses propriétés hallucinogènes, ces dernières prenaient soin de la cueillir de la main gauche et sur le côté nord du massif.

En outre, elle aurait pour propriété de guérir les "coups de fée", une malédiction réputée terrifiante pouvant, disait-on, provoquer une grave paralysie.

Paradoxalement, la digitale, pourtant extrêmement toxique, est le plus souvent liée, dans l’imaginaire populaire, à l’idée de protection.